Pas besoin de se cacher longtemps, vous avez mon nom et vous avez accès à des moteurs de recherche très puissants (je recommande néanmoins Startpage pour sa protection de la vie privée). Celui qui le souhaite aura donc aisément trouvé que je travaille au collège Jacques-Yves Cousteau de Creutzwald.
Dans ce collège frontalier de l’Allemagne, on trouve une option un peu particulière : la section biculturelle. Lancée par Nolwenn Hass, il y a une dizaine d’années, cette section accueille des élèves français pour la plupart, franco-allemands parfois, allemands pour certains, sans oublier les enfants d’immigrés dont la langue maternelle n’est pas le français et qui sortent alors du collège en parlant quatre langues au moins !
Notre vivier d’élève est l’école de la Houve à Creutzwald qui propose elle-même un cursus biculturel franco-allemand. Vous me direz, il est bien gentil le rédacteur du blog, mais il ne nous a toujours pas expliqué en quoi consistait son truc biculturel. Minute ! Ça vient !
Creutzwald est dans le département de la Moselle. Vous savez ce département qui fut comme l’Alsace baladé entre la France et l’Allemagne. Ce département où règne le concordat et où l’on enseigne la religion (catholique, protestante ou israélite -non pas l’islam alors que beaucoup d’élèves sont musulmans). Ce département où les personnes de plus de 60 ans parlent un dialecte proche de l’allemand.
Dans cette ville donc, où les gens vont faire leurs courses en Allemagne, mais aussi y travailler ou aller à la piscine, il fallait que les élèves connaissent la culture du voisin.
Les élèves qui suivent le cursus bénéficient donc, entre autre, d’une heure de mathématiques en allemand et d’une heure de musique en allemand. Ils commencent également l’anglais en 6ème.
J’ai longtemps cherché les directives concernant l’enseignement des mathématiques en langue étrangère (ou « maths DNL »). En vain. J’ai fini par comprendre que j’étais libre. Pas de manuel, pas de programme. Difficile par moment de se retrouver face au vide. Mais j’ai réalisé l’océan des possibles donné par cette structure.
Ce blog aurait-il même vu le jour sans cette absence de programme ? Pas sûr.
La DNL mathématiques en allemand en collège est un enseignement encore peu développé et peu encadré par les textes officiels. Ainsi, j’ai décidé de travailler selon trois grands axes:
a) Appui sur les cours de mathématiques « traditionnels »
b) Appui sur le cours d’allemand et les thématiques abordées par les collègues
c) Création de fiches de travail à partir d’articles de vulgarisation ou de thèmes de mathématiques qui sont « jolis » (les critères de choix sont complètement subjectifs outre la facilité d’incorporation dans le programme)
Voici donc une liste non exhaustive d’activités que j’ai pu mener:
- Le puzzle d’Airy ou une activité ludique autour de Pythagore (4ème)
- Application de Thalès, activité dans la cours (3ème)
- Deux fiches de travail en géométrie (6ème)
- Le train (6ème-5ème)
- Heidelberg (6ème-5ème)
- Einwohnerzahl der Bundesländer (tout niveau), les habitants des différents Länder
- Das Möbiusband (4ème-3ème), le ruban de Möbius
- Bingo und Stempel (6ème-5ème), bingo et le système des tampons
Dans l’idéal, chacune des activités devrait faire l’objet d’un billet dans ce blog. Entre temps, j’ai d’autres activités intéressantes à vous faire partager. Mais celles que je cite ci-dessus font partie d’une synthèse que j’avais rédigée à l’attention de collègues d’allemand intéressés par mes pratiques. Voici la conclusion de la synthèse de l’époque :
Les exemples présentés sont de différents types et donnent une idée de ce que l’on peut faire. Beaucoup de coopérations interdisciplinaires sont possibles (pas seulement avec l’allemand, on remarquera les passerelles avec la géographie, l’histoire ou l’histoire des arts qui sont évoquées ici, mais il y a un fort potentiel avec les autre disciplines scientifiques par exemple). On peut travailler dans plusieurs directions, le plus difficile étant de faire comprendre aux élèves qu’il ne s’agit pas de mathématiques comme en cours de mathématiques et encore moins d’un cours d’allemand. Mais les 5èmes m’ont plusieurs fois agréablement surpris en me faisant remarquer qu’ effectivement certaines choses sont plus faciles lorsque l’on fait les mathématiques en allemand plutôt qu’en
français.
Je terminerai sur cet exemple:
Nous avons ici trois polygones. Si je vous que le rose est un triangle, que le vert est un quadrilatère, pouvez-vous me donner le nom du polygone bleu ?
Un indice: il a 19 cotés !
Maintenant si je vous dis que le premier est un « Dreieck », le second un « Viereck », pouvez-vous me donner le nom du polygone bleu.
Les élèves sont fiers de me dire que c’est un «Neunzehneck» et encore plus fiers lorsque je leur dis que je ne connais pas le mot en français.
Plus d’informations sur la section ici.